Catherine Virlouvet

Le monde de l’entrepôt

L’entrepôt est un élément essentiel de la vie des ports, qu’ils répondent à la définition donnée par J. Nieto de « port de stockage » ou non.
Nous entendons traiter dans cette communication des entrepôts de taille moyenne et grande situés dans les ports, au cours d’une période qui couvre les derniers siècles de la République et les trois premiers siècles de l’Empire. C’est à ce moment que les entrepôts ont pris majoritairement la forme architecturale d’alignements de grandes pièces accolées, parfois groupées autour d’une cour. La dimension de ces complexes, leurs multiples divisions en faisaient le théâtre d’un univers social varié.

Le programme « Entrepôts et lieux de stockage du monde gréco-romain antique », conduit dans le cadre d’un programme ANR de 2009 à 2012 par Véronique Chankowski, Xavier Lafon et moi-même, a mis en lumière que ces édifices avaient un fonctionnement très souple et pragmatique pour des usages multiples. Se côtoient dans les grands entrepôts des individus aux statuts juridiques et sociaux très divers, qui entretiennent entre eux des rapports de travail et de sociabilité complexes.

Tous les acteurs qui contribuaient aux échanges avaient des liens avec les grands entrepôts.
A l’intérieur, l’entrepôt fonctionne comme une sorte de petite entreprise avec un personnel nombreux: propriétaires, gérants, scribes et archivistes, mesureurs, porte-faix, gardiens, personnel de nettoyage, etc. Certains font le lien physiquement avec le port par leur métier même, tels les porte-faix. A un autre niveau, les marchands sont aussi à l’interface du port et des édifices de stockage. Ils sont, aux côtés des pouvoirs publics, les grands utilisateurs de ces structures, qu’ils possèdent parfois, qu’ils louent en tout cas.

L’énumération qui précède montre que les catégories sociales qui interviennent dans l’enceinte des horrea sont très variées. Quelle est la place respective de ces différents acteurs au sein des sociétés portuaires ? Quels rapports ces individus entretiennent-ils entre eux et avec le monde du port ? Comment s’organise leur travail au sein de l’entrepôt ? A-t-on des témoignages de l’existence de liens de sociabilité particuliers au monde de l’entrepôt ?

Ce sont ces questions que la présente communication veut envisager, à partir de témoignages écrits (inscriptions et documents de la pratique), iconographiques, mais aussi à partir de l’éclairage que l’étude des structures bâties peut apporter sur l’organisation du travail au sein de ces grands complexes.