Michel Christol

Ports, routes et trafics : l’apport de l’épigraphie

Dans la diversité de ses contenus et de ses apports l’épigraphie peut éclairer les réalités de la vie économique et sociale. Les noms des hommes s’inscrivent dans les mouvements des produits de l’échange. Ils laissent entrevoir les contenus sociaux et économiques de la circulation des biens. Dans un mouvement de recherche qui avait été mis en évidence voici près d’un siècle par J. Hatzfeld, l’anthroponymie permet de superposer à la carte des réseaux commerciaux non seulement les déplacements des individus et quelques modalités de la vie des groupes marchands mais encore d’enrichir la compréhension de leurs fonctionnements. Deux exemples concrets concernant l’Occident romain, l’un centré sur Narbonne, l’autre sur Arles, permettent de réfléchir, en tenant compte des décalages chronologiques, à l’évolution des structurations des espaces provinciaux sur la longue durée.

Il convient toutefois de prendre en compte les données propres de la navigation dans le bassin occidental de la Méditerranée, et plus particulièrement dans sa partie la plus septentrionale, qui constitue une donnée structurante sur la longue durée. Il faut ajouter à la réflexion une perspective chronologique qui permet de faire apparaître des séquences temporelles plutôt homogènes. Relativement à Narbonne, il faut envisager une phase pré-emporique dans laquelle l’influence de la zone sub-pyrénéenne est dominante. Lorsque s’implante peu à peu l’emporion, et que la colonie de droit romain vient fixer son ancrage, les influences passant par l’Ampurdan contribuent aussi au façonnement des circuits commerciaux et des routes suivies par les hommes d’affaires italiens. Mais il est vraisemblable d’envisager que les routes venant de l’Italie prennent moins qu’auparavant la direction de la péninsule ibérique alors que les routes vers l’Italie peuvent être directes. C’est une évolution qui se déroule durant tout le premier siècle avant J.-C. et à l’époque augustéenne. C’est à ce moment-là qu’un changement d’échelle se parachève, engagé dès après la conquête césarienne. Il se produit un net élargissement des horizons des circuits commerciaux et une intensification quantitative des échanges. Mais c’est au profit de la grande route qui d’Arles remonte vers Lyon et les zones proches du Rhin supérieur et inférieur. L’activité de la place de Narbonne doit s’adapter à ce remaillage, notamment au IIe siècle. Le vin gaulois et les productions métallurgiques jouent un rôle important dans le rééquilibrage des échanges.

C’est dans ces contextes qui varient dans le temps que l’on peut envisager d’éclairer quelques dossiers épigraphiques relatifs aux mouvements des hommes depuis la Citérieure vers la ville de Narbonne, ou de Gaule vers l’Hispanie en passant par Arles., et des dossiers relatifs aux implications des hommes d’affaires connus par l’épigraphie de Narbonne, au Ier et au IIe siècle.