Hélène Rougier

Métiers portuaires et hiérarchies sociales. Étude comparée à partir des inscriptions d’Arles, Narbonne, Lyon, Ostie-Portus et Aquilée

Les commerçants maritimes sont les professionnels portuaires de loin les plus attestés et les mieux connus. Ils sont alors traditionnellement rattachés à l’élite de la société portuaire. La documentation épigraphique confirme en partie cette position dominante des negotiatores et des mercatores parmi les professionnels portuaires mais les situations sont en fait plus complexes et variées. Contrairement aux sources littéraires, les inscriptions nous donnent accès à des métiers assez divers (charpentiers de marine, bateliers portuaires et fluviaux spécialisés, portefaix, plongeurs, mesureurs…) dont le rôle et la place au sein du port peuvent varier selon les villes étudiées.

L’objet de notre intervention est de déterminer, à partir des inscriptions de cinq ports occidentaux, la hiérarchie sociale entre les métiers portuaires. Existe-t-il une classification sociale commune aux ports occidentaux ou bien observe-t-on des variations de hiérarchie sociale entre les ports? Y a-t-il une évolution au cours du temps ? L’approche comparatiste à partir de la documentation épigraphique de cinq ports (Aquilée, Ostie-Portus, Arles, Lyon et Narbonne) est alors nécessaire car elle permet de déterminer les points communs et les différences entre cinq ports aux histoires, fonctions, sites et situations différents, mais aussi de rapprocher certains ports comme Narbonne et Aquilée pour certains aspects, ou Ostie et Lyon, voire Arles.

Ces questions devront être abordées en même temps que d’incontournables considérations méthodologiques. Les critères d’analyse issus de l’étude épigraphique doivent en effet être abordés avec précaution. Comment tirer des conclusions face à des corpus numériquement et chronologiquement contrastés ? Par exemple, comment interpréter la surreprésentation ou au contraire l’absence, parfois étonnante -comme celle de negotiatores et de mercatores à Arles- de certains métiers dans la documentation épigraphique d’un port ? Comment comparer les inscriptions de Narbonne et d’Aquilée, majoritairement datables des Ier s. av. J.-C. et Ier s. ap. J.-C. à celles des trois autres ports, dont les inscriptions sont quasiment toutes datables du IIe et début du IIIe siècle ?

Malgré ces difficultés, il nous semble possible d’établir quelques tendances communes aux ports, comme la position relativement dominante des commerçants maritimes, mais surtout des hiérarchies sociales différenciées entre les ports et les époques, qui s’expliquent par des spécificités portuaires. Même la domination des commerçants maritimes s’exprime de façon différente selon les ports et selon les époques.